Sillage historique en terres laotiennes
Après de longs mois de recherche, une équipe d’Amica Travel était en inspection au Laos, du 11 au 20 mai 2018. De ce voyage d’exploration, nous avons dessiné les contours d’un nouveau circuit au pays « du million d’éléphants ». Ce circuit passera à travers une région splendide à l’histoire largement méconnue et échappant aux flux du tourisme de masse.
Nous avons parcouru en 10 jours, près de 1500 kilomètres sur des routes sinueuses aux très nombreux virages. Nous avons relié Hanoï à Pu Luong, avant d’atteindre le Laos par le poste-frontière de Nam Meo. Puis, sur une route en direction vers l’ouest nous nous sommes arrêtés à Sam Neua, Phonsavan, Nong Khiaw et à Luang Prabang. Nous sommes revenus sur Hanoï en avion.
La carte de notre itinéraire depuis le point de départ d'Hanoï.
Voici les sites les plus remarquables et les moments les plus mémorables de ce voyage d’inspection :
1. Les rizières en terrasses de Pu Luong, Vietnam.
Arrivés alors que la nuit était déjà tombée, c’est au petit matin, aux alentours de 5h45, que nous avons pu saisir un moment d’exception qui marquait le véritable début de notre voyage d’inspection. Un lever de soleil depuis les maisons sur pilotis transformés du Pu Luong Home, et donnant sur une série époustouflante de rizières en terrasses. Quelques secondes pour immortaliser ce moment, et puis plus rien, si ce n’est que méditer au rythme du son du silence.
Lever de soleil sur les rizières en terrasses de Pu Luong, Vietnam.
2. Les grottes de Viang Xai, QG du Pathet Lao
Au deuxième jour, après avoir passé le poste-frontière de Nam Meo, nous nous retrouvons sur des routes difficilement praticables à l’entrée de la région du Haut-Laos. Cette partie sauvage du pays, se constitue d’un enchevêtrement de massifs recouvrant le nord-ouest Vietnam, le nord de la Cordillère annamitique et le nord-est Laos. De longues vallées encaissées sont bordées de falaises et de monts calcaires. Sur la route nous traversons de divers villages laos et khmu et c’est ici que notre équipe du Laos, nous a rejoint pour la suite du voyage en terre laotienne.
C’est cet environnement sauvage qui a pu faire abriter dans certaines grottes de la région, des membres du Pathet Lao, une organisation politique et paramilitaire laotienne. A l’origine, agissant comme un mouvement indépendantiste et colonialiste, le Pathet Lao s’est peu à peu transformé en mouvance communiste durant la guerre froide, avec une alliance indéfectible avec le Viet Minh tout proche. Au cours de la guerre d’Indochine et de la guerre civile laotienne, le Pathet Lao, devenu le parti révolutionnaire populaire lao, a pris de l’ampleur sur le terrain, jusqu’à leur prise du pouvoir en 1975, signant la chute du Royaume du Laos.
De cette période de l’histoire relativement méconnue, Viang Xai, surnommée « la ville cachée » est un site d’une haute valeur historique pour le Pathet Lao, avec son réseau de chambres, tunnels, salles de réunion, salles de cinéma, d’arsenaux et d’abris anti-bombes.
Les grottes de Viang Xai qui abritait le QG du Pathet Laos.
3. L’ascension du Phu Pha Thi
Au 3ème jour, départ tôt le matin pour une route de 60km, le long d’une ancienne route de montagne, transformée en 1968 en piste, par l’armée vietnamienne. Une belle brume matinale s’était levée sur cette route en direction du mont Pha Thi, situé dans le périmètre du parc national de la Nam Et.
Cette aire protégée abrite de nombreuses ethnies : Thaï noir, Lue, Khmu, Kmông Kho et blanc et des Dao. Ils habitent une région composée de forêts à la fois denses et caducées et quelques pinèdes, en fonction de la composition des sols. La région abrite enfin, quelques rares spécimens de tigres, léopards et d’éléphants.
C’est alors que nous apercevons le Phu Pha Thi, une montagne aux allures de forteresse calcaire d’une hauteur de 1786 mètres. Orienté sur un axe nord-sud-est, sur 8 kilomètres de long, il est couronné par un étroit plateau d’une largeur de 400 à 500 mètres de large.
De par sa configuration chaotique, son destin et les circonstances de son attaque finale, le Phu Pha Thi peut se comparer à Montségur, la fameuse citadelle cathare : durant la guerre secrète au Laos, la CIA transforme son sommet en une base théoriquement imprenable. A cette époque, c’est l’une des bases les plus secrètes au monde, défendue par près de 800 Hmông et par 300 mercenaires thaïs.
Finalement et comme la citadelle albigeoise, la base militaire est assaillie par l’improbable voie des falaises par des commandos vietnamiens, appuyés de Hmông rouge. La surprise est totale et l’évacuation du personnel du radar est un fiasco. Les deux mois suivant la prise de la citadelle, les Américains bombardent et détruisent le site.
Nous avons eu une occasion rare de faire partie des premiers visiteurs de ce site chargé d’histoire, puisque celui-ci a rouvert en mars 2018, après être resté fermé durant de longues décennies. Un escalier assez vertigineux, composé d’un millier de marches a été gravi par notre équipe. Au sommet, nous avons pu découvrir des restes de machines de guerre, un aérodrome devenu une prairie faisant le bonheur de certaines chèvres, des troncs d’arbres calcinés et des cratères creusés par les bombardements, sans oublier la vue panoramique embrassant toute la région.
L'ascension du Phu Pha Thi, Laos
Sur le Phu Pha Thi, Laos
4. Les sites mégalithiques d’Hintang (Sankongphan et Keohintan) et la grotte de Tham Piu
Sur la route de Phonsavan, le long de la RN6, après avoir traversé des villages lao, hmông et khmu, le long des contreforts de la Nam Et, de la rivière Nam Ham puis Gnot, nous rejoignons deux sites très anciens, exceptionnels par leur état de conservation dans toute l’Asie du Sud-Est. C’est un champ de pierre, s’étendant sur une crête d’une dizaine de kilomètres de long, qui rassemble mille cinq cent quarante-six menhirs, en une dizaine de groupes, cent cinquante-trois disques de pierres rituelles et des chambres souterraines. Les menhirs sont en schiste, des lames de pierres levées, d’un à trois mètres cinquante, penchant, parfois se touchant, à moitié effondrés. Les disques de pierres sont les couvercles de chambres funéraires souterraines, de cryptes creusées dans le gneiss, certaines peut être utilisées pour des sacrifices rituels.
Sites mégalithiques d'Hintang
En fin d ‘après-midi, après une longue reprise d’une route suivant une ligne de crête vers le sud, puis une descente sur le nord du plateau du Trân Linh, au nord de Muang Kham; une visite assez poignante de la grotte de Tham Piu, site tristement célèbre puisque le 24 novembre 1968, une seule roquette américaine y tua les trois cent soixante-quatorze civils qui s’y étaient réfugiés.
Grotte de Tham Piu Laos
5. La plaine des Jarres
Après une randonnée matinale sur les contreforts sud-est Phu Longmat, accompagné par des pisteurs hmông blanc, nous passons par le village de Ban Naphia, un village khmu, connu comme étant le village des bombes. Les villageois y transforment bombes, roquettes, mines, pièces d’hélicoptères ou d’avions en ustensiles de cuisine ou en objets de décoration. Très insolite.
Dans l’après-midi, nous traversons à pieds avec le soleil tombant, des paysages dignes de la pampa argentine ou du brush australien, avec en bout de parcours, des champs dispersés de pierres et de mégalithes, énigmatiques, objets d’abondantes spéculations. Un lieu de toute beauté, bercé par le son du silence, enveloppant ces jarres d’un voile de mystère.
Mais d’après des chercheurs, le plateau du Trân Ninh aurait été le centre d’un vaste réseau d’échanges, un point de passage de caravanes, d’où l’apparition d’une civilisation protohistorique fleurissante, vénérant monolithes, menhirs, tumulus, cairns, cercles de pierres sacrées et autres artefacts ; singulièrement comparable aux civilisations mégalithiques européennes, d’Arabie, africaines ou américaines.
Diverses théories expliqueraient l’usage des jarres : elles seraient utilisées en guise de stockage de riz et autres denrées, en guise de cuves à fermentation, régulièrement réparties sur le plateau ou le long de voies commerciales séculaires ; plus vraisemblablement elles seraient des urnes funéraires monolithiques.
La plaine des Jarres, Laos
La plaine des Jarres, Laos
6. Luang Prabang
Nous continuons la route le lendemain, pour atteindre cette ville bercée par le soleil, la spiritualité et la végétation fleurie. Luang Prabang c’est une cité de 55 000 âmes, ancienne capitale royale du Laos. Le centre-ville a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et abrite en son périmètre, de nombreuses maisons anciennes et de nombreux temples traditionnels. Une ville basse, dominée par l’acropole du Mont Phousi et miraculeusement bien conservée.
Le temple du Bouddha d'or à Luang Prabang, Laos
Sur place, plusieurs équipes ont été composées pour visiter et inspecter plusieurs sites aux alentours de la ville :
- Les grottes de Pak Ou situées au nord de la ville et accessibles en navigation en pirogue, sont des cavernes sacrées occupant des cavités d’une paroi rocheuse, dominant le carrefour du Mékong et de la rivière Nam Ou. Elles abritent des milliers d’offrandes de Bouddhas accumulées au fil des siècles.
- Le Manda Lao Elephant Centre est un centre de conservation de l’animal sacré du Laos : l’éléphant. Souvent en Asie du Sud-Est, les visiteurs montent à dos d’éléphants, sans savoir que derrière ces balades, l’animal souffre de sa condition. Voici donc un centre, qui vous permet de mieux apprécier les pachydermes, dans un grand respect de l’animal, en leur donnant tout simplement à manger, en marchant à leurs côtés, et en les accompagnant à la baignade dans la rivière.
- Le musée d’ethnographie est situé dans le cœur de Luang Prabang. Il abrite un certain nombre de pièces vestimentaires, des objets personnels et religieux, ainsi que des outils de travail. La collection répond à un but de promouvoir les différents modes de vie et des traditions des ethnies du Laos. Les peuples Akha, Hmong, Tai Lue et Khmu, sont mis en avant, à travers une exposition permanente.
- Une des rencontres humaines les plus exceptionnelles, fut celle du prince Tiao Somsanith, chez lui, dans une maison-atelier parsemée d’œuvres d’art. Descendant de la branche des Vang Na, dans la lignée du Vice-roi de l’ancienne monarchie de Luang Prabang, ancien consultant UNESCO pour la cité royale, il devient expert en broderie au fil d’or. Un véritable gardien de la culture ancestrale laotienne, qui œuvre activement dans la promotion des arts traditionnels laotiens tels que la danse, musique, théâtre de marionnettes, art floral mais aussi travail de la laque et de la broderie au fil d’or et d’argent.
- Ock Pop Tock est un centre de tissage situé dans un vaste jardin tropical, qui présente les coulisses du métier de tisseur et tout le processus lié à la fabrication de pièces de tissus en soie. Ainsi les voyageurs suivent toutes les étapes de réalisation de la chenille, à l’écharpe manufacturée. Cette visite s’effectue en 30 minutes, avec un guide local anglophone. Un centre remarquable par son fond et sa forme éthique, avec entres autres, l’implication d’un personnel local et la sensibilisation de celui-ci et des visiteurs à l’usage des plastiques jetables.
- Le jardin botanique Pha Tad Ke est le 1er du genre au Laos, il présente la riche biodiversité locale dans un jardin ethnobotanique, un arboretum, un jardin de palmiers, une bambouseraie, une pépinière d’orchidées et bien d’autres… Un site merveilleux de tranquillité, accessible depuis le fleuve Mékong en pirogue.
Le Manda Laos Elephant Centre
Rencontre avec le prince Tiao Somsanith
Le centre de tissage Ock Pop Tock
Le jardin botanique Pha Tad Ke
7. La soirée laotienne à Luang Prabang
C’est comme si la ville de Luang Prabang et ses alentours, ne nous avait pas encore fait assez émerveillés… Notre équipe du Laos nous a réservée une jolie surprise dans la soirée du 8ème jour. Avec une cérémonie de « baci » : un prêtre effectue le « rappel » des 32 âmes de notre corps, qui ont tendance à s’évacuer et à se disperser dans la nature. Après avoir rappelé ces 32 âmes, le prêtre et les prêtresses qui l’accompagnent, nous ont attachés aux poignets, des fils de coton blancs afin de retenir ces âmes facilement errantes. La soirée s’est poursuivie dans une ambiance musicale et des danses, dont le fameux « lam vong » : une danse ronde collective, où une série de deux partenaires dansent par couples, en associant des jeux de mains gracieux.
8. Nong Khiaw
Cette localité bien tranquille se situe à environ 3h de route de Luang Prabang. Nous (re)découvrons un site majestueux, encaissé entre les parois rocheuses plongeant dans la rivière Nam Ou. Deux groupes ont été constitués afin d’inspecter la randonnée dite des « 100 cascades », traversant un village lao et de khmu au bord de la Nam Ou, des paysages de brûlis, des forêts de teck et une dernière montée dans une série de belles petites cascades.
Le second groupe, a pris la pirogue pour atteindre Muang Ngoy et ses environs. La randonnée effectuée a permis de traverser Ban Huay Boor, un village de Khmu et de T’ai Deng.
La région fut aussi le refuge de nombreuses populations civiles lors de la guerre d’Indochine, avec notamment ses grottes de Phathok et la grotte de Kaang.
Un dernier groupe a gravi durant 3h, une montagne abrupte dominant toute la vallée de la Nam Ou. Arrivés au sommet, une vue splendide, comme une apothéose laotienne à l’ensemble de notre séjour.
Nong Khiaw, Laos
Paysages de brûlis, Laos
Cette inspection a permis aux membres de l’équipe de (re)découvrir les paysages sublimes du Laos, de réviser son histoire méconnue mais riche et ancienne, d’apprécier la zénitude, la discrétion mais aussi le sens de l’hospitalité du peuple laotien. Et surtout, d’acquérir des connaissances précieuses, pour vous conseiller lors d’un prochain voyage au Laos.
Quelques membres de l'équipe d'Amica du voyage d'inspection au Laos.
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